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La connexion des pays scandinaves avec la nature : le Friluftsliv

Les pays scandinaves sont connus pour leur proximité avec la nature. Malgré un climat souvent froid et rigoureux, il est courant d’y voir les habitants sortir pour skier, marcher, faire du vélo ou pratiquer d’autres activités de plein air. Cette connexion profonde avec l’extérieur est bien plus qu’une simple habitude : elle fait partie intégrante de leur culture. C’est ce qu’on appelle le Friluftsliv.

Originaire de Scandinavie, plus précisément de Norvège, ce terme signifie littéralement “vie en plein air”. Mais au-delà de cette simple traduction, il représente une véritable philosophie de vie. Selon les chercheurs Sandell et Öhman (2010), il s'agit d'une tradition scandinave qui valorise une existence simple, proche de la nature, et encourage une relation durable et harmonieuse avec les espaces naturels.


Le Friluftsliv dans la vie quotidienne

Cette façon de penser se retrouve partout : dans la culture, le quotidien et même l’éducation dès le plus jeune âge. Lorelou Desjardins, une Française ayant vécu et travaillé en Norvège, témoigne de son expérience à ce sujet. Elle explique que de nombreux parents privilégient les crèches et maternelles Friluftsliv, où les enfants passent 80 % de leur temps à l’extérieur. Selon elle, la perception du “beau temps” est aussi différente de la nôtre : “Ils aiment ce que j’appelle le mauvais temps.”

Cette approche se reflète également dans la législation norvégienne : le camping sauvage y est autorisé sur tout le territoire, renforçant ce lien avec la nature. Même dans les usages quotidiens, la différence est marquée. Par exemple, sur les applications de rencontre, elle remarque qu’alors qu’en France on met en avant une photo flatteuse, en Norvège, ce sont les activités de plein air qui sont mises en avant.


Friluftsliv et amnésie écologique

Cette connexion forte avec la nature montre une certaine avance sur les enjeux écologiques. En effet, cette philosophie peut aussi être un remède à un phénomène de plus en plus reconnu : l’amnésie écologique. Aujourd’hui, à mesure que nous passons de moins en moins de temps dehors, nous risquons d’oublier ce qu’est réellement un environnement préservé et vivant, ce qui nourrit l’amnésie écologique.

Pour lutter contre ce phénomène, l’ornithologue Philippe J. Dubois souligne l’importance de passer plus de temps dehors, en contact direct avec la nature. L’historien de l’environnement Grégory Quenet, quant à lui, évoque les “ateliers d’autodescription” de Bruno Latour, où l’on apprend à observer et décrire nos liens avec les êtres non humains qui nous entourent. Ces pratiques sont déjà bien ancrées en Norvège, où le Friluftsliv n’est pas seulement un mode de vie, mais aussi un enseignement universitaire. Dans plusieurs universités, ce concept est transmis à travers des sorties régulières en plein air, favorisant une compréhension plus profonde de notre environnement. 

Comme l’écrivait Aldo Leopold en 1949 dans A Sand County Almanac : « Nous abusons des terres parce que nous les considérons comme un produit qui nous appartient. Quand nous la voyons comme une communauté à laquelle nous appartenons, nous pouvons l’utiliser avec amour et respect. »


Un modèle pour la transition énergétique

Les pays nordiques sont également en avance sur les enjeux environnementaux grâce à leur engagement précoce dans la transition énergétique. En moyenne, 67 % de l’électricité nordique provient de sources renouvelables, contre seulement 30 % dans le reste de l’Europe. Par exemple, en Norvège, 98 % de l’électricité provient de l’hydroélectricité, faisant du pays un leader en matière d’énergie renouvelable. La Suède, quant à elle, génère près de 50 % de son électricité à partir de sources renouvelables, notamment l’énergie éolienne et solaire. Le Danemark, reconnu pour ses investissements dans l’éolien, prévoit même d’atteindre 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2050.

Ces pays ont mis en place des politiques ambitieuses pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, avec l’objectif de devenir neutres en carbone d’ici 2050. L’un des éléments clés de leur succès réside dans leur capacité à combiner innovation technologique et politiques publiques fortes. La Suède et le Danemark font partie des premiers pays au monde à avoir intégré une taxe carbone, incitant ainsi les entreprises et les citoyens à adopter des pratiques plus durables. Ces efforts sont soutenus par une population fortement sensibilisée aux enjeux écologiques, une éducation à la durabilité, et un modèle économique axé sur la transition verte. 


Des avancées, mais aussi des limites à surmonter

Avec leurs politiques environnementales ambitieuses, les pays du nord se sont imposés comme des modèles de transition écologique. Leur engagement en faveur des énergies renouvelables et leur relation étroite avec la nature sont des éléments inspirants pour d’autres régions du monde. Cependant, malgré ces progrès, certains défis demeurent. Par exemple, la Norvège, bien qu’un leader de l’hydroélectricité, reste un important producteur d’hydrocarbures, ce qui soulève des interrogations sur l’équilibre entre développement économique et objectifs écologiques.

De plus, la montée de l’extrême droite dans plusieurs pays nordiques, notamment en Suède et en Norvège, a apporté des tensions supplémentaires. Ces partis sont souvent moins enclins à soutenir des politiques environnementales ambitieuses et peuvent favoriser des subventions aux énergies fossiles, freinant ainsi certains efforts de transition.

Ainsi, bien qu'ils aient réalisé des avancées considérables, la montée de l’extrême droite et les contradictions entre ambitions écologiques et réalités économiques montrent qu’il reste des obstacles à surmonter pour parvenir à une transition pleinement durable.



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