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Remplacer les abeilles par des robots : Peut-on vraiment substituer la nature par des nanodrones ?

Pour faire face à la mortalité inquiétante des abeilles et des insectes pollinisateurs, des chercheurs du MIT ont mis au point des nanodrones pollinisateurs capables de les remplacer. Les points positifs semblent être nombreux : résistants aux insecticides et aux frelons asiatiques, ces robots miniatures peuvent atteindre une vitesse de 35 cm par seconde, rester en vol statique pendant 17 minutes, et même effectuer des figures acrobatiques. 

Ces avancées paraissent offrir une solution pour assurer la pollinisation des plantes à fleurs malgré un climat de plus en plus hostile et une pollution grandissante. Pourtant, une question plus profonde émerge : devons-nous en arriver là, à créer des insectes en plastique pour remplacer ceux que nous avons détruits ? Après les abeilles, allons-nous aussi remplacer les oiseaux, les lapins, ou même les loups ? Ne serait-il pas plus sage d’agir directement sur les causes du problème ?

Les nanodrones sont-ils vraiment une solution durable ?

La question parait presque évidente, et pourtant, elle mérite réflexion. Dans un monde déjà confronté à une pollution plastique grandissante, faut-il réellement rajouter des milliers d’insectes en plastique dans nos prairies et forêts ? 

Ces dispositifs risquent de fragiliser davantage une biodiversité déjà mise à mal. De plus, ils pourraient perturber les espèces pollinisatrices existantes et affecter les écosystèmes naturels en modifiant l’équilibre des espèces. En envoyant des drones pour polliniser les plantes, on pourrait négliger la pollinisation des fleurs sauvages, dépendantes d’insectes spécifiques pour leur reproduction.

Il ne faut pas non plus ignorer les risques de pannes, la pollution associée à la fabrication de ces drones, ainsi que les ressources nécessaires à leur production. Le coût pour remplacer ne serait-ce qu’une seule espèce de pollinisateurs par ces robots pourrait être astronomique. La pollinisation naturelle repose sur des milliards d’insectes, et tenter de dupliquer cela avec des nanodrones serait une entreprise colossale et coûteuse.


La pollinisation est un processus vivant, façonné par des interactions naturelles entre les fleurs et les insectes. 


Il n’est pas simplement mécanique. Les fleurs ont évolué pour interagir avec des pollinisateurs adaptés : les couleurs, les formes, les odeurs… Tout cela fait partie d’un échange complexe, et ce phénomène est bien plus que ce que des robots peuvent imiter. 

Il y a plus de 350 000 espèces de plantes à fleurs dans le monde, toutes interagissant de manière unique avec les animaux qui assurent leur pollinisation. 

Ce processus est essentiel à leur reproduction, la production de fruits et de graines, et même leur évolution. Il n’est pas certain que des drones puissent remplir toutes ces fonctions.

Ces nanodrones : une fausse solution ?

Si les nanodrones sont principalement pensés pour polliniser les cultures agricoles, cette approche pourrait aussi servir d’excuse pour éviter de prendre des mesures plus larges en faveur de l’environnement. Les drones ne craignant ni les pesticides ni le réchauffement climatique, ils pourraient créer l’illusion qu’il n’est plus nécessaire de restreindre notre usage des produits chimiques ou d’agir face aux dérèglements climatiques. Comme l’a souligné Jean-Marc Jancovici, « nous serions en train de trouver la martingale pour faire croître l’économie sans en subir les conséquences écologiques ».

Quelles sont les véritables causes de la disparition des abeilles et autres pollinisateurs ?

Pour rappel, bien que des causes naturelles (comme la vieillesse ou les prédateurs) existent, l’accélération de la mortalité des abeilles est largement liée aux activités humaines. Les insecticides, largement utilisés en agriculture, ont un impact dévastateur sur les pollinisateurs. 

Selon Haubruge et al. (2006), « l’utilisation des insecticides est assurément un facteur perturbant, parfois gravement, les insectes pollinisateurs ». De plus, l’agriculture industrielle et la monoculture réduisent la diversité des plantes, diminuant ainsi les ressources alimentaires des abeilles.

Le réchauffement climatique et les conditions extrêmes (sécheresse, inondations) représentent également un défi supplémentaire pour ces insectes. À cela s’ajoute l’arrivée du frelon asiatique en Europe, un prédateur redoutable pour les abeilles, ainsi que la propagation du parasite Varroa destructor, accélérée par les échanges internationaux et l’élevage intensif des abeilles.


Remplacer les abeilles et les insectes pollinisateurs par des nanodrones ne serait qu’une solution tem​poraire, qui ne fait qu’ignorer les causes profondes de la crise écologique actuelle. 


La véritable solution réside dans la remise en question de nos comportements et de notre modèle de développement, et dans notre adaptation à notre environnement naturel.

Comment protéger réellement la pollinisation ?

Dans nos régions, 84 % des cultures dépendent, directement ou indirectement, des insectes pollinisateurs. 

L’interdiction progressive de certains pesticides en Europe a déjà montré des effets positifs sur certaines populations d’abeilles. Le meilleur moyen de protéger la pollinisation reste donc de préserver les pollinisateurs eux-mêmes.

Certaines entreprises, comme Beekeeper Tech, BeeGuard ou Beewise, ont mis au point des technologies pour protéger les abeilles domestiques. Par exemple, des ruches connectées, équipées de capteurs de poids, température, humidité, son et caméras, permettent de surveiller en temps réel la santé des abeilles. Ces dispositifs peuvent alerter les apiculteurs en cas de problèmes, tels que des maladies, des parasites ou des déséquilibres dans la colonie.

À une échelle plus individuelle, il est possible de favoriser un environnement naturel dans son jardin, en laissant pousser une pelouse sauvage et en plantant des espèces mellifères, sources de nourriture pour les abeilles et autres pollinisateurs.

La recherche de solutions technologiques pour pallier la disparition des pollinisateurs est légitime, mais elle ne doit pas occulter l’urgence d’agir sur les causes profondes de la crise écologique. 

Nous avons tous un rôle à jouer pour protéger les insectes pollinisateurs, préserver la biodiversité et, par conséquent, garantir un avenir durable pour les générations futures. Ne laissons pas les solutions artificielles remplacer les actions concrètes en faveur de notre environnement.

La connexion des pays scandinaves avec la nature : le Friluftsliv