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Les crédits carbones, solution ou cache-misère ?

De nos jours, les entreprises sont confrontées à une pression croissante pour réduire leurs émissions de carbone. Parmi les solutions adoptées, la compensation par crédit carbone est particulièrement en vogue. 

Pour certains, elle permet de financer des projets écologiques dans des pays en développement. Pour d’autres, c’est une stratégie de contournement qui permet aux entreprises d’afficher une neutralité carbone sans réellement transformer leurs activités polluantes. 

Alors, les crédits carbones sont-ils une vraie solution ou un simple pansement sur une plaie plus profonde ?

Qu’est-ce que les crédits carbones ?

L’origine des crédits carbones remonte à l’accord de Kyoto, signé en 1997, qui visait à réduire les émissions de six gaz à effet de serre, dont le CO2. Ce système repose sur un principe simple : chaque tonne de CO2 séquestrée ou non émise peut être convertie en un crédit carbone, ensuite vendu sur un marché spécialisé.

Les entreprises, notamment celles cherchant à atteindre la neutralité carbone, achètent ces crédits pour compenser leurs propres émissions. Des organismes comme l’ONU certifient ces crédits en évaluant l’impact réel des projets. Il existe aussi des certifications, comme la certification Bas Carbone, qui garantissent la qualité et l’efficacité des projets. Ces initiatives peuvent inclure des programmes de reforestation ou des transitions vers des sources d’énergie renouvelables.

Ce système repose sur une relation entre vendeurs et acheteurs. Les vendeurs de crédits sont souvent des pays en développement qui utilisent ces fonds pour financer leurs actions environnementales. 

Au Costa Rica, par exemple, l’utilisation des crédits carbones a joué un rôle clé dans la reforestation du pays, contribuant à porter la couverture forestière à 70 % du territoire, contre seulement 25 % en 1996. 

Grâce à ce mécanisme, le pays a pu valoriser ses forêts en générant des revenus tout en incitant les propriétaires terriens à préserver leurs espaces boisés. 


Ce système est particulièrement crucial pour les pays en développement, car il permet aux populations locales d’agir directement sur la préservation de leur environnement tout en soutenant leurs économies. 


Quels sont les risques et les limites de ce système ?

Malgré ses avantages, le système des crédits carbones présente de nombreuses limites. 

D’abord, il peut être une véritable source de profit pour certains acteurs peu scrupuleux. Afin de maximiser leurs gains, certains projets gonflent artificiellement leurs estimations pour générer des “crédits fantômes”, c’est-à-dire des crédits carbones qui ne correspondent pas à une réduction réelle des émissions. Ce type de dérives expose le système à des accusations de “greenwashing”.

Face à ces abus, la nécessité d’une régulation accrue se fait sentir. Lors de la COP 29, ces enjeux de transparence et de contrôle ont été abordés, mais reste à voir comment ces mesures seront mises en application.

Autre problème majeur : la compensation carbone ne peut pas constituer une solution durable. 

Un vendeur de crédits carbone séquestre une tonne de CO2, mais son acheteur continue d’en émettre une quantité équivalente tout en la déduisant de son bilan carbone. 

Or, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, il est indispensable de réduire drastiquement les émissions mondiales. Avec 40 milliards de tonnes de CO2 rejetées chaque année, il serait impossible de compenser toutes ces émissions uniquement par la reforestation.


Les crédits carbones ne doivent donc pas être considérés comme un droit à polluer. 


En facilitant la compensation plutôt que la réduction directe des émissions, ils risquent de décourager les entreprises d’adopter des transformations structurelles.

La compensation carbone est-elle vraiment efficace ?

Un rapport publié en février 2023 par les ONG New Climate Institute et Carbon Market Watch a analysé les engagements climatiques de 24 grandes entreprises, dont Nestlé. Il a mis en avant le recours excessif aux mécanismes de compensation carbone et souligné que planter des arbres ne suffit pas à réduire les effets du réchauffement climatique. Le rapport reproche notamment à Nestlé une transparence insuffisante sur sa stratégie carbone, affirmant que l’entreprise n’a réduit ses émissions que de 1 % en cinq ans, malgré ses déclarations de neutralité carbone.
Nestlé a cependant répondu en annonçant une baisse nette de 13,5 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2023 par rapport à 2018 et vise une réduction absolue de 20 % d’ici 2025. Ces différences de chiffres illustrent bien la complexité du calcul des émissions et l’impact de la compensation carbone.

Jean-Marc Jancovici, expert en transition écologique, reste sceptique face à ces mécanismes : « La compensation consiste donc à passer un coup de balayette sur l’empreinte carbone », affirme-t-il. Selon lui, la logique des crédits carbones est discutable, car elle repose sur une addition temporelle entre des émissions présentes et des réductions futures incertaines. En d’autres termes, la compensation ne garantit pas une réduction effective des émissions.

Au final, les crédits carbones peuvent être un outil intéressant dans certaines circonstances, notamment pour financer des projets écologiques dans les pays en développement. Toutefois, ils ne doivent pas être perçus comme une solution miracle et encore moins comme une excuse pour continuer à polluer. Sans régulation stricte, ils risquent de retarder les efforts réels de réduction des émissions.




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