Ce terme ne vous est peut-être pas familier, et pourtant, vous l’avez sûrement déjà vécu. Une machine à laver, un téléviseur, un ordinateur qui tombe soudainement en panne… et chez le vendeur, le même discours :
« Ça ne se répare plus, mieux vaut en acheter un neuf. »
Dans bien des cas, il est effectivement plus simple , ou plus économique , de remplacer l’appareil que de réparer la pièce défectueuse.
Pourtant, les technologies actuelles permettraient de fabriquer des produits durables. Mais sur le marché, ce n’est pas ce qui est proposé. De nombreux objets sont pensés pour ne pas durer.
Une stratégie industrielle ancienne
Prenons le cas des ampoules. En 1881, Thomas Edison commercialise ses premières ampoules à incandescence, qui durent environ 1500 heures.
Quarante ans plus tard, la durée de vie grimpe à 2300 heures. Mais avec la création du cartel Phoebus réunissant des fabricants comme General Electric, Osram ou Philips, les choses changent.
Ce groupement instaure le « comité des 1000 heures », chargé de limiter volontairement la durée de vie des ampoules, pour encourager leur renouvellement.
Cette démarche est souvent considérée comme la première forme industrielle d’obsolescence programmée, par exemple par Serge Latouche avec son ouvrage « Bon pour la casse ». L’économiste analyse ce phénomène comme l’un des trois moteurs de la société de consommation :
- L’obsolescence programmée : nous pousse à racheter, même sans besoin réel.
- La publicité : crée en nous un sentiment d’insatisfaction permanente.
- Le crédit : permet d’acheter sans en avoir les moyens immédiats.
Thierry Libaert, conseiller du CESE et auteur de "Déprogrammer l’obsolescence", rappelle que cette stratégie se développe surtout à partir des années 1960, dans un contexte de relance économique après la crise de 1932.
C’est une logique qui accompagne la production en série et la naissance de la société de consommation.
Elle s’appuie sur plusieurs dynamiques déjà en place dès le début du XXe siècle comme :
- l’arrivée du jetable (préservatifs, serviettes hygiéniques)
- l’obsolescence technique (lorsqu’un produit est rapidement dépassé par un modèle plus performant, comme dans le cas des smartphones)
- l’effet de mode, qui nous pousse à changer d’objet sans réelle nécessité.
Des conséquences visibles… et des alternatives
Mais cette logique a des impacts importants.
Sur le plan environnemental, elle engendre une surproduction de déchets, notamment électroniques. Comme le résume Serge Latouche :
« Une croissance infinie est incompatible avec un monde fini. »
Sur le plan social, elle touche davantage les ménages modestes. Selon Thierry Libaert, ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits de qualité doivent souvent les remplacer plus fréquemment, ce qui peut les conduire à s’endetter davantage.
Heureusement, le sujet n’est plus tabou. Il est aujourd’hui au cœur de nombreux débats, médiatisé et encadré par des réglementations.
En France, plusieurs normes ont vu le jour avec la loi sur la transition énergétique. Et, plus récemment, le 15 août 2025, l’Union européenne a adopté une loi sur l’écoconception.
Son objectif : rendre les produits plus durables, réparables et recyclables. Parmi les mesures :
- Interdiction d’intégrer une durée de vie limitée dans la conception des produits,
- Obligation de rendre les appareils réparables,
- Mise en place d’un passeport produit contenant des informations précises sur la durabilité, la réparation et l’impact environnemental.
Ce passeport, consultable en ligne, devrait aider les consommateurs à faire des choix plus responsables et éclairés.
Parmi les alternatives prometteuses, on trouve l’économie de fonctionnalité, qui propose de vendre l’usage plutôt que la possession.
Par exemple, une entreprise peut fournir une imprimante à un client, mais ne facturer que le nombre de pages imprimées. Dans ce modèle, il devient plus rentable pour l’entreprise d’investir dans du matériel robuste et bien entretenu.
Cette approche permet non seulement de limiter la surproduction, mais aussi de relancer un autre secteur essentiel : celui de la réparation.
Et si demain, on choisissait enfin de faire durer ce qui mérite de l’être ?